A Rennes, comme dans beaucoup de villes universitaires françaises, l’Association Générale des Etudiants a établi ses quartiers dans la Maison des Etudiants. Les locaux sont mis à la disposition de tous les étudiants rennais dès avant la guerre et leur a permis de se regrouper. Qu’elle soit située rue Chalais ou rue Saint-Yves, la Maison est le cœur de l’activité associative. Quant au journal L’A, il en est la voix. Cette voix est écoutée à Rennes mais aussi au-delà. Et partout, son timbre enjoué est particulièrement apprécié.
L’histoire de la Maison des étudiants commence en 1911. Les origines méritent d’être racontées car, sous le toit de sa Maison, la jeunesse des écoles de Rennes se forge une unité.
En 1911, le maire de Rennes, Jean Janvier, promet aux étudiants de les loger. Il confie à l’un d’eux sa vision des futurs locaux [1] :
« Dans les grandes salles de fêtes et de concerts vous serez tous réunis pour la bonne humeur et le plaisir ; […] Dans les petites salles de réunions et de conférences, vous vous réunirez par groupes d’amis, vous constituerez des petits cercles d’études sociales ou politiques, des petits foyers d’union régionale ou de corporative, vous aurez vos parlottes libres, indépendantes, isolées, et qui sait, peut-être, les cadres finiront-ils par s’élargir et une pensée commune naîtra-t-elle ? »
A l’époque, en effet, les étudiants rennais sont dispersés entre les corporatives et des groupements politiques : Groupe Socialiste des Etudiants Rennais, Fédération des Etudiants Bretons, Union Républicaine, Saint-Yves, Action Française. Et s’ils envisagent « une Entente générale entre étudiants, [ils pensent] qu’elle doit se faire en-dehors de toute politique [2] ». Mais pour l’heure, il s’agit de préparer l’organisation du foyer. Il est prévu de l’installer au troisième étage de l’aile ouest du Palais du Commerce [3].
Le 6 avril 1911, les membres du Comité des Fêtes se réunissent. « Ils [ont] été priés par la Municipalité de s’occuper au plus tôt de la constitution d’une Commission qui aurait à étudier, d’accord avec la Commission municipale, l’organisation intérieure du Foyer [4] ». Il est décidé que des délégués représenteront les facultés ou écoles de Rennes, mais pas les associations ou corporatives. C’est que le foyer doit accueillir tous les étudiants et pas seulement certains d’entre eux. Par ailleurs, la mention du « Comité des Fêtes » est à souligner. Son nom laisse à penser qu’il a en charge l’organisation des festivités estudiantines. Est-il une survivance de l’A.G.E.R. ? Au moins semble-t-il entretenir un tant soit peu d’unité chez les étudiants et ce, par delà leurs différents groupements.
Dans les facultés et écoles, des élections ont désigné des délégués et Le Cri des Ecoles, dans son numéro 9, présente les « Premiers travaux du Comité ». Pour la séance suivante, l’élaboration des statuts du foyer figure au programme. La « commission s’appuiera sur les données que lui fourniront les statuts déjà existants des Foyers de Lille, Nancy, Paris, etc… [5] » Pour se faire, le maire s’est renseigné auprès de ses homologues. Je n’ai pas trouvé d’exemplaire de la lettre de M. Janvier. Mais les archives ont conservé la lettre du maire de Nancy et celles du maire lillois. Ainsi, à la première, datée du 4 mars 1911, est joint un exemplaire imprimé des statuts de la Société Générale des Etudiants anciennement Union des Etudiant et Cercle des Etudiants, fondée en 1877. Les deux lettres lilloises, datées des 3 et 15 mars, sont accompagnées d’un exemplaire imprimé du Règlement Général de l’Union des Etudiants de l’Etat fondée en 1881, et une notice imprimée et illustrée concernant la Maison des Etudiants à l’Université de Lille [6].
L’intérêt porté par M. Janvier aux étudiants est à souligner. Il faut rappeler que la municipalité républicaine de l’époque ne manque aucune occasion d’apporter son soutien à l’enseignement public ; c’est là un moyen de contrer l’influence catholique. Cependant, le maire ne peut tenir sa promesse faite aux étudiants de les installer au troisième étage de l’aile ouest du Palais du Commerce. Ce dernier, dont la construction a débuté en 1887, est loin d’être achevé. L’incendie qui le détruit le 29 juillet 1911 retarde encore les travaux.
En outre, le directeur régional des Postes, estimant déjà que ses services seront trop à l’étroit dans la partie est qui leur est destinée a demandé à louer le troisième étage ouest. Enfin, la présence forcément bruyante des éventuels voisins étudiants représente un obstacle à leur installation. La municipalité cède alors la Halle-aux-Toiles qui devient Maison des Etudiants en 1912 [7].
Le 28 novembre, les délégués des facultés et écoles s’y réunissent pour fixer l’attribution des locaux. L’Union Républicaine, la corporative de médecine et l’amicale de pharmacie ont chacune une salle que M. Janvier leur a déjà accordé. Cela pose le problème de l’utilité des délégués et rend vifs les débats sur le partage.
En février 1913, Le Cri des Ecoles nous apprend que la Maison des Etudiants possède ses statuts, son conseil d’administration et son bureau [8]. La Maison a donc toutes les caractéristiques d’une association d’étudiants. Mais elle ne s’appelle pas encore Association Générale des Etudiants Rennais.
Ce n’est qu’après la guerre, que ce nom réapparaît. Mais l’adresse de l’A.G.E.R. citée à titre provisoire sur la déclaration de constitution d’association du 3 avril 1919 est : 2, quai Duguay-Trouin. Cependant, rapidement les étudiants reprennent leurs quartiers à la Halle-aux-Toiles. Le premier numéro de L’A nous l’indique en première page par son adresse du 2, rue Chalais. Et dès le 9 mars 1920, un bar y est ouvert et sert des consommations à prix réduits [9].
Les étudiants ne perdent pas l’espoir d’habiter dans le Palais du Commerce, au premier étage du pavillon central cette fois, dès qu’il sera achevé. Pourtant, ils cherchent ailleurs un local qui remplacerait leur vieille Maison. Car celle-ci tombe littéralement en ruine comme nous le montre cette anecdote [10] :
« Un certain après-midi d’octobre dernier, le plafond d’une des salles de la Maison des Etudiants s’écroula rue Chalais. Il menaçait ruine depuis 2 mois. Personne n’était à l’intérieur pendant la catastrophe. Poutres, poutrelles, torchis, plâtras, s’abîmèrent en un fracas [...] tonitruant. L’ami Marchal [...] passait précisément rue Chalais. Un vieux bourgeois, près de lui, eut cette simple phrase à l’adresse d’un vieil autre bourgeois : Encore ces cochons d’étudiants qui chahutent ! De cette exclamation on peut, pour le moins, conclure que la gent escholière est chargée parfois de plus de péchés qu’elle n’en commet ! »
Les recherches en vue de s’installer ailleurs échouent. Il faut se résoudre à restaurer la Halle-aux-Toiles et pour cela, obtenir l’accord de la municipalité. L. Prévost président de l’Association Générale est accompagné d’un de ses vice-présidents, R. Dagorne ou F. Aubert, et de Vinot, président de l’association corporative de médecine qui possède une salle de la Halle-aux-Toiles pour local. Une rencontre avec M. Janvier a lieu le 6 décembre 1921. Ce dernier accepte d’ordonner des travaux de rénovation intérieure qui débutent rapidement.
Le 13 janvier 1922, la séance hebdomadaire du comité de l’A.G. se déroule dans la salle rénovée réservée aux délégués. A leur entrée, « ils eurent comme l’impression d’avoir été convoqués à quelque San-Remo ou à quelque Cannes. [...] C’était magnifique ! » nous indique un article de L’A [11]. On apprend aussi « qu’une salle de lecture, de travail, de jeux, de correspondance, de concerts, de réunions, d’absorptions d’apéritifs est en train de se créer », et que les « Corpos qui détiennent la possession de salles donnant sur le grand couloir ne manqueront pas de procéder, dans leur ressort, aux mises en état désirables. La Corporation de Médecine a déjà commencé et s’occupe activement de sa bibliothèque. Son exemple sera suivi. Et ainsi [la] Maison des Etudiants toute entière – si son extérieur n’est pas très engageant – sera aménagée intérieurement d’une façon très satisfaisante ».
Le dimanche 5 février 1922, la Maison est inaugurée en présence du maire [12]. A 17h30, « une foule bruyante d’étudiants » se presse. Un apéritif est offert à chacun et un petit concert termine la soirée. Si auparavant l’endroit était lamentable poussant les étudiants à préférer les cafés, ils peuvent dorénavant s’étonner du changement. La salle du comité, aménagée pour les délibérations des 18 membres du comité, contient des tables couvertes de tapis verts et de sous-mains. Dans la salle de lecture, une dizaine de petites tables sont aussi recouvertes de tapis verts. Un bar est installé où il est possible de se faire servir des petits-déjeuners. L’accent est mis sur les efforts financiers consentis par l’Association pour l’aménagement et l’entretien. Il est demandé de respecter le mobilier et le lieu en général. Une surveillance rigoureuse va être instaurée et commence par le contrôle des cartes de membre à l’entrée. Il est hors de question que ceux qui refusent de cotiser à l’A profitent de la Maison.
Un an après, une nouvelle inauguration marque la fin des travaux et accueille des personnalités telles que M. Laurent au nom de la municipalité ou le recteur Gérard-Varet [13]. La Maison des Etudiants compte un « Salon des Etudiantes » dont l’entrée est exclusivement réservée aux demoiselles [14]. Une bibliothèque a aussi trouvé place rue Chalais à l’instigation de Colas-Pelletier. Le 21 décembre 1923, le comité autorise le président à dépenser 3 000 francs pour l’achat de livres et de brochures [15]. La bibliothèque est inaugurée le 3 février [16] et propose bientôt 500 livres, des journaux et des revues [17].
Lorsque le Palais du Commerce est achevé, M. Janvier doit admettre l’impossibilité d’y loger les étudiants. La municipalité de Rennes fait alors l’acquisition de l’immeuble situé au 14 rue Saint-Yves. Son propriétaire, M. le Bâtonnier Marcille, qui le loue à la ville contre un loyer annuel de 4 500 francs, accepte de le céder pour 90 000 francs. L’acte de vente est signé le 31 mai 1923 entre M. Marcille et M. Janvier. Affecté pendant de longues années au Conservatoire de musique, il accueille depuis quelques temps la Mutualité. L’immeuble doit être libre lorsque les Sociétés de Secours Mutuels occuperont leurs nouveaux locaux [18]. Il est alors mis gratuitement à la disposition de l’Association Générale des Etudiants [19].
Le 18 novembre 1926, une assemblée générale se tient à l’A, rue Saint-Yves. Elle a pour motif « l’inauguration de la salle des fresques et [le] compte-rendu de l’activité de l’A pendant les vacances ». Le président « Asse adresse ses remerciements à M. Ronsin directeur de l’Ecole des Beaux-Arts qui a permis à ses élèves de venir peindre les fresques de la salle de réunion. Les félicitations sont adressées aux auteurs de ces fresques et à leurs collaborateurs » [20].
Mais ce n’est qu’en décembre 1926 que les étudiants de l’A aménagent dans leur nouvelle Maison de la rue Saint-Yves [21]. Elle offre des locaux plus spacieux. Un poste T.S.F. est installé en 1929 [22], puis un pick-up l’année suivante [23].
L’annuaire de 1932 nous permet de visiter les locaux de la Maison des Etudiants [24]. La visite commence au rez-de-chaussée par le restaurant coopératif qui fait la fierté de l’A.G. de Rennes. La salle est éclairée par une vaste verrière centrale. Dans le fond, la grande fresque qui sert de manchette au journal, a été reproduite au mur. Toujours au rez-de-chaussée, se trouvent le salon réservé aux étudiantes, la bibliothèque portant le nom de Colas-Pelletier, le secrétariat abritant les services administratifs de l’Association et, dans une petite salle attenante, le bureau présidentiel. Enfin, la salle des fresques est utilisée lors des réunions corporatives ou comme salle de lecture. Le bar y est implanté. Les murs de cette salle sont ornés des fresques de Mlle O. Villers et de ses collaborateurs, fresques qui retracent les principaux épisodes de la vie estudiantine. L’étage de la Maison accueille la commission des fêtes ainsi que les membres du journal L’A.
En 1936, le recteur de l’académie de Rennes, M. Davy, demande à la municipalité de céder l’immeuble de la rue Saint-Yves à l’Université. Il est précisé que l’immeuble garderait sa destination de Maison des Etudiants. Le conseil municipal donne son accord. L’acte de vente de l’immeuble, pour une valeur de 100 000 francs, est donc signé le 30 décembre 1936 par M. Davy et le maire de Rennes, M. Chateau [25]. Ce changement de propriétaire n’affecte en rien la situation des membres de l’A.G.E.R. qui conservent la jouissance de la Maison.
La Maison des Etudiants représente un lien évident entre les étudiants. Ils y viennent des différents établissements de la ville. Ils s’y consacrent aux diverses activités, qu’elles soient alimentaires (restaurant), associatives, récréatives, journalistiques… La Maison symbolise à tel point l’Association Générale que les étudiants l’appellent l’A.
Elle est aussi un trait d’union avec l’extérieur, avec les homologues d’autres villes d’abord. Ainsi, par exemple, des membres de l’Union Nationale y sont reçus en février 1925 [26]. Les élus rennais reçoivent également un accueil particulier. M. Janvier, notamment, est un hôte de marque. Les étudiants lui doivent beaucoup et ils le savent. Ils l’ont baptisé « père des étudiants ». Ce surnom traduit bien un certain paternalisme, « paternalisme de bon aloi [27] », typique de la période et qui caractérise les relations entre les étudiants et les autorités ou notabilités « bienfaitrices ». Après M. Janvier, les autorités municipales seront toujours bien reçues.
Concernant l’enseignement supérieur, les professeurs viennent parfois à la Maison. Ils y voient leurs élèves dans un autre contexte que celui des cours même s’ils font souvent le déplacement pour donner des… conférences. Le recteur d’académie ne manque pas non plus de visiter les membres de l’association la plus représentative du milieu estudiantin rennais. La visite prend un relief particulier lorsque le recteur vient d’être nommé. C’est le cas pour M. Davy, accueilli en février 1931 [28] et pour M. Galletier, en décembre 1938 [29].
Enfin, les étudiants reçoivent également dans leur Maison les représentants du journal L’Ouest Eclair. La collaboration fructueuse entre l’équipe du quotidien local et les étudiants en est confortée. Cette collaboration permet la parution de L’A, organe de l’Association Générale. Le journal des étudiants est, en effet, imprimé sur les presses de L’Ouest Eclair qui fournit aussi une aide technique, financière et humaine. Nous reparlerons bientôt en détail de L’A, « Premier journal du monde (par ordre alphabétique) ». Mais il convient de terminer l’évocation des hôtes de l’A.G.E.R., par ceux, exceptionnels, de l’année 1940.
La France est en guerre en 1939, mais la vie quotidienne n’est pas encore trop perturbée. Les choses changent, en mai, avec l’arrivée, à Rennes, des premiers réfugiés venus du Nord [30]. Parmi eux, les étudiants belges et lillois sont logés à la Maison des Etudiants où l’on se serre un peu pour « caser tout le monde [31] ».
Mais, rapidement, des hôtes beaucoup plus envahissants arrivent. Les troupes allemandes, en effet, entrent à Rennes le 18 juin. Elles réquisitionnent de nombreux bâtiments municipaux ou universitaires pour installer leur propre administration. La Maison de la rue Saint-Yves n’échappe pas à l’occupation [32]. Les étudiants doivent la quitter et leur vie associative s’endort.
La parution du premier numéro du journal L’A date du lundi 22 décembre 1919. La naissance de ce bi-mensuel, organe de l’A.G.E.R., accompagne la renaissance de l’activité associative des étudiants rennais après cinq ans de sommeil forcé dû à la guerre [33]. Mais un journal fait par les étudiants n’est pas une première à Rennes. Et L’A a un ancêtre d’avant-guerre, évoqué comme tel dans deux de ses articles de 1921 [34] ; son nom : Le Cri des Ecoles. Né en décembre 1910, il a disparu avec la guerre.
Dans les « Prolégomènes [35] », les rédacteurs de L’A précisent : « Cette feuille est née de notre certitude qu’il y a de la place à Rennes pour un journal des étudiants, organe de leur Association, défenseur de leurs intérêts, reflet des faces tour à tour studieuses et joyeuses de leur existence ». Le décor est planté et se nomme corporatisme. L’A, d’une guerre à l’autre et au rythme plus ou moins régulier de dix ou douze numéros par année universitaire, va donc témoigner de la vie associative des étudiants rennais.
Après la présentation des objectifs du nouveau journal, le premier numéro est l’occasion de solliciter le soutien des lecteurs [36].
« Etudiants ! ne lisez pas le journal qui est entre les mains de votre voisin. Achetez-le pour votre compte personnel. C’est à cette condition que “ l’A ” vivra. »
L’abonnement est aussi proposé. Il est fixé à 5 francs. C’est beaucoup puisque les 12 numéros, qui vont paraître dans l’année et qui comportent 4, 5 ou 6 pages, coûtent 20 ou 25 centimes l’unité. D’ailleurs, la deuxième année, l’abonnement est réduit à 3 francs. Et la parution se stabilise à 6 pages pour 25 centimes. Les rédacteurs encouragent à s’abonner des lecteurs « qui savent que c’est le fixe qui peut le plus effectivement [les] soutenir [37] ». Un autre soutien souhaité est la collaboration des lecteurs par l’envoi d’articles. Un appel spécifique est même lancé aux « charmantes condisciples les étudiantes [38] ». Tout au long de la période, les appels à l’envoi « de la copie » seront d’ailleurs réitérés.
Malgré un déficit de 35,65 francs la première année [39], L’A se développe. Il est imprimé sur les presses du quotidien rennais L’Ouest Eclair. Il paraît sur 8 pages dès la troisième année et le numéro 1 de la rentrée 1921 est épuisé en deux jours [40]. Il faut dire que le journal étudiant est disponible chez plusieurs dépositaires rennais, des buralistes en majorité [41]. Et si les étudiants sont les lecteurs privilégiés de L’A, les professeurs et plus généralement les Rennais sont des acheteurs potentiels.
Mais la réussite n’empêche pas les problèmes et les critiques. Dès la première année, les rédacteurs de L’A éprouvent le besoin de se justifier. En avril, à la suite d’un banquet que se sont offert les responsables du journal, certains étudiants s’insurgent : c’est avec leur argent que cela s’est fait et ils menacent de ne plus acheter L’A. Il leur est répondu qu’il faut voir dans le repas comme une sorte de rétribution, une récompense au travail fourni [42].
En juillet, une nouvelle mise au point est faite [43] :
« Un bruit a circulé récemment dans certains cercles d’étudiants […].
Quelques inconscients – très peu nombreux au surplus – ont prétendu que l’A ne fut qu’un bon placement pour ses rédacteurs et ses administrateurs et qu’il ne servit qu’à remplir le porte-monnaie de ceux-ci.
[…]
J’en appelle à ceux qui ont connu nos mille difficultés pour équilibrer la situation financière de ce journal. J’en appelle à l’Association Générale qui contrôle notre caisse indépendante de la sienne […]. »
Ce contrôle financier de l’A.G.E.R. est normal puisque exercé sur une publication qui est sa voix. Le contrôle des membres du journal est somme toute aussi logique. Mais il peut s’avérer douloureux. Ainsi, à la fin de l’année universitaire 1922, des difficultés opposent le comité de l’Association Générale et le gérant du journal. Ce dernier, René Dagorne, est en poste depuis trois ans. Contraint à la démission, il est suivi par tout le comité de rédaction [44]. Une autre affaire, aux multiples rebondissements, empoisonne la vie de l’Association et de son journal de janvier à avril 1923. Là encore, les membres du journal sont mis en cause et sanctionnés. Démissions, blâmes et même exclusions sont prononcés [45].
Alors sans doute ces épisodes ne dévoilent qu’une crise de croissance de l’organe de l’Association Générale rennaise. Ils ne remettent pas en cause le succès du journal. Celui-ci est même bientôt reconnu hors des limites de Rennes. En effet, le 3 novembre 1923, à Grenoble, se réunit un comité extraordinaire de l’Union Nationale des Etudiants de France. La création d’un bulletin hebdomadaire de l’U.N. y est notamment évoquée. Et les avis du Rennais Colas-Pelletier sont écoutés « au nom du journal l’A. que l’on appelle partout le prototype des journaux d’Etudiants [46] ».
Les années passent, la collaboration avec L’Ouest-Eclair se poursuit et les équipes de rédaction de L’A se succèdent, marquant plus ou moins de leur empreinte le journal. Au chapitre des changements, notons que les huit pages de L’A coûtent 35 centimes à la rentrée 1925-1926, puis passent à 50 centimes l’année suivante. En 1930, les statuts de l’organe de l’A.G.E.R. sont modifiés [47].
En juin, le numéros 12 offre à lire le bilan de l’année écoulée et la satisfaction du comité de rédaction et d’administration : douze numéros sont parus « avec une régularité quasi satisfaisante » alors « que de nombreuses A.G. attendent encore leur huitième numéro ». Ainsi, malgré « quelques petits retards, l’A était cité au Congrès d’Alger comme le canard le plus régulier ». D’autre part, l’année se termine « non pas avec du déficit, mais avec un bénéfice de plusieurs milliers de francs ». Enfin, les membres du comité soulignent leur attachement pendant l’année « à donner au journal en même temps qu’une présentation claire, un caractère presque exclusivement local » [48].
A la rentrée suivante, L’A paraît sur douze pages. On y retrouve la comparaison avec les autres journaux estudiantins français. Mais cette fois, la volonté est d’élargir les vues et thèmes de L’A [49] :
« Le journal “ L’A ”, qui tenait déjà une place honorable parmi ses confrères de la presse estudiantine, se classe aujourd’hui dans les tous premiers rangs. Complètement transformé, augmenté de quatre pages, doté de nombreuses rubriques nouvelles et coûtant toujours les traditionnels cinquante centimes, l’organe officiel de l’A.G.E.R. n’entend plus être seulement un satirique local, […] mais il prétend aussi constituer un journal corporatif d’étudiants, qui […] les pénètre de cette idée si nécessaire de la solidarité estudiantine nationale comme internationale. »
Signe de la place occupée par L’A, ses membres sont reconnus auprès des instances estudiantines nationales. En 1931, l’U.N. se réunit en congrès à Caen. Et, « à l’Office de la Presse, les délégués du journal L’A [prennent] une part active à la discussion, en particulier sur la création éventuelle d’un bulletin de l’U.N. et, après un échange de vue amical entre les représentants des différents canards, la direction adjointe est confiée à notre camarade Cochet, administrateur du journal L’A [50] ». En 1933, la direction de l’Office de la Presse Universitaire est confiée à un Rennais, rédacteur en chef de L’A l’année précédente : André Mussat [51].
Cependant, la situation du « Premier journal du monde (par ordre alphabétique) » n’est pas idéale dans tous les domaines. Et s’il faut bien reconnaître que les questions d’argent sont assez peu dévoilées aux lecteurs, c’est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de dettes. Le problème est donc abordé au sein de l’Association lors des réunions du comité. Ainsi, en juin 1932, les délégués apprennent que L’A doit 8 000 francs à L’Ouest-Eclair [52]. Et en novembre 1933, la dette due au quotidien rennais s’élève à 11 780 francs [53]. La collaboration n’est cependant pas remise en cause.
D’ailleurs, L’A continue d’être un modèle pour ses confrères nationaux. Et les rédacteurs rennais ne manquent pas les occasions d’en publier des exemples. Deux paraissent dans L’A en mars 1934. Un rédacteur du journal Angers-Etudiant écrit : « L’A de Rennes est un maître journal devant lequel je m’incline […] ». L’avis de Stasbourg-Université est aussi élogieux [54] :
« Comme toujours l’A de Rennes dépasse de loin les autres revues universitaires, si bien que malgré elles, elles font un peu figure de prospectus ! Clichés nombreux, articles amusants, voire intéressants, chroniques bien faites, présentation impeccable… publicité bien fournie… Allons, voilà qui doit susciter de l’émulation chez nous et ailleurs. »
A L’A, on répond :
« On ne craint pas de nous jeter des fleurs, à Strasbourg. Et encore des fleurs sans épines… J’hésite à dire “ merci ” depuis le jour où l’on me répondit : “Non ! c’est cent sous. ”
Pourtant ça les vaut bien. »
Mais l’année suivante est marquée par une baisse d’activité sans précédent. Seuls deux numéros paraissent en 1935, le deuxième reproduisant d’ailleurs bon nombre d’articles et d’illustrations du numéro 1. « En plein marasme », telle est jugée la situation des étudiants rennais [55] :
« Tous les jeunes seraient-ils frappés de stupeur ? Auraient-ils jeté leur langue au chat ? […]
Les carabins eux-mêmes, dernier rempart du dynamisme estudiantin, méditent et se recueillent […].
Incertitude, chaos, prophéties lugubres. Bruits de bottes et de guerre […]. »
« Qu’en penser ? » s’interroge-t-on au journal à la rentrée 1935-1936. Ce qui est sûr c’est que les jeunes doivent montrer qu’ils n’ont pas, « comme on a de plus en plus tendance à le croire, une âme de rond-de-cuire [56] ». C’est chose faite puisque la vie reprend son cour normal, gai et animé. Et au terme de l’année, L’A reçoit à nouveau les félicitations d’autres journaux estudiantins [57]. « Ce que ses confrères pensent de L’A », en 1937, représente deux colonnes de louanges. Elles (ré)confortent d’ailleurs les auteurs rennais face au public qui semble exigeant [58] :
« Quant à vous, chers camarades, L’A, que nous publions deux fois par mois, que vous dénigrez peut-être, et auquel vous ne collaborez guère, cet A, voyez-vous, n’est pas jugé aussi sévèrement par ses confrères ! »
En 1937-1938, l’organe de l’Association Générale de Rennes coûte désormais 75 centimes. Et l’année suivante, la vingtième depuis sa création, le numéro ne compte plus que huit pages mais coûte un franc. Notons aussi que les numéros 2, 3 et 4 portent la mention erronée de « vingt-neuvième année » (de parution), le numéro 5 celle de « dix-neuvième année », puis les numéros 6 à 10, la mention de « 21e année ». Le décalage est alors acquis puisque l’année suivante, la 21e véritable, est considérée comme la 22e depuis la naissance de L’A. Malgré l’entrée en guerre de la France, en septembre 1939, L’A continue de paraître. Le conflit et ses conséquences pour les étudiants prennent une place importante dans le journal. Mais si l’humour reste très présent, l’atmosphère est tendue.
L. Muzellec, président de l’A.G.E.R., intervient même dans les colonnes du journal pour regretter le « caractère d’animosité tout à fait contraire à l’esprit estudiantin » présent dans quelques articles. Il trouve « inadmissible que l’A devienne un journal de polémique et serve à certains pour régler des rancunes personnelles [59] ». Le rédacteur-en-chef décide la suppression des « on dit... » devenus un terrain d’affrontement pour ceux qui confondent « malice » et « méchanceté » [60]. La réponse ne se fait pas attendre : « un groupe d’étudiants » signe un article de protestation contre la suppression. Ils reprochent aussi le caractère « fort sérieux » du journal dont la formule est selon eux trop littéraire avec ses deux pages de poésie et sa page littéraire complète [61].
Finir sur cette fausse note pourrait occulter le caractère fondamentalement enjoué de la publication. Car même lorsqu’il se fait sérieux, L’A ne veut pas être triste.
Le journal des étudiants rennais cherche à être le « reflet des faces tour à tour studieuses et joyeuses de leur existence ». Il rejoint en cela le double rôle de l’Association Générale définit en 1920 par son président Raoul Félix : un rôle « d’ordre utilitaire et d’ordre récréatif [62] ». Dans le cadre studieux et utilitaire, l’organe de l’A.G.E.R. présente les dernières nouvelles de l’Association : formation des bureaux de l’A ou de ses sections, comptes-rendus de réunions, bilans des activités, dates des bals ou autres festivités… Mais la vie associative estudiantine a également une dimension nationale et même internationale. L’A sert donc à l’occasion de tribune à l’Union Nationale ou à la Confédération Internationale des Etudiants (C.I.E.). Des articles traitent aussi des congrès, de l’avenir professionnel des étudiants, du sport universitaire, des réformes de l’Université… Certains de ces points ont déjà été présentés, les autres feront l’objet d’un développement ultérieur.
A la charnière de l’utilitaire et du récréatif, L’A offre ses colonnes aux étudiants qui désirent exprimer leur sens de la critique ou leurs talents de journalistes, d’écrivains ou de poètes. L’actualité du théâtre, du cinéma, des concerts ou de la littérature fait ainsi l’objet d’un traitement plutôt sérieux. C’est le cas aussi de certains articles littéraires. Mais les lecteurs se plaignent parfois de trop de sérieux. Car c’est la « note de jeunesse et de jovialité [63] » de L’A qui fait l’unanimité.
Dans ce domaine, tout est possible. Le journal des étudiants peut même se découvrir des origines mythiques [64] :
« QUAND FUT CREE “ L’A ”
En 1918, disent certains. Un autre prétend qu’il fut créé le 7e jour, car Dieu, contemplant son œuvre, aurait fait alors : “ A, A ! ”
Les Chinois ne donnent pas de date ni les Hindous, ni les Arabes. Mais ils voient dans l’A une manifestation de la Divinité : les uns considèrent l’A comme la toute-puissance, puisque leur Dieu n’est qu’un bout d’A ! les autres prennent l’A pour un chameau : brame A, les derniers enfin voient l’A comme la béatitude suprême : Ah ! l’A.
Quelles lettres de noblesses ! »
Par ailleurs, certains thèmes récurrents apparaissent à la lecture de L’A. Ils vont même jusqu’au cliché et composent une partie de « l’esprit estudiantin ». Sans chercher à citer tous ces traits qui participent de la dimension folklorique de l’étudiant, nous en aborderons ici trois importants.
En premier lieu, l’étudiant porte souvent le regard vers le passé et les traditions. Il sait que bien des pratiques sont légitimées par l’ancienneté. Dans ce cadre, le Moyen-Age reste présenté de façon idéalisée comme la période originelle de l’Université [65]. Et les étudiants n’ont pas oubliés Rabelais ou Villon, leurs « illustres prédécesseurs ». Des hommages leurs sont rendus et sont alors l’occasion d’exercices de style.
En 1920, venant de l’au-delà, un message signé de feu Françoys Villon accompagne le « Formidable succès du Restaurant des Etudiants [66] ». Dans « Les dictz et faictz héroïques du noble Pantagruel », on apprend « Comment poursuivant leur merveilleux voyage Pantagruel et se compaignons descendirent en l’isle rennoise où furent donnés moult fêtes et divertissements lors de la Mi-Carême dix neuf cent trente et un [67] ». Un auteur écrit la « Ballade des Grandgousiers [68] ». D’autres articles décrivent « Comment fut fait Gunarpe coqu et ce qu’il en advinct [69] » ou « Comment Panurge print le mal italian [70] ».
Certaines productions possèdent un style plus débridé. Un deuxième trait de caractère de l’étudiant se compose d’ailleurs d’une certaine truculence dans le propos additionnée d’un brin de provocation. Ce sont là des héritages de la langue et de la pensée rabelaisienne. Ainsi, le ton peut être cru lorsque « La cuite [71] » est le thème ou qu’un auteur fait « L’éloge du pet [72] ». Dans certains cas, on termine par une « Histoire “ carabinée ” » [73] :
« Un professeur d’anatomie interroge deux étudiantes :
– Quel est l’organe du corps humain qui développe sept fois son volume ?
La première jeune fille pâlit, rougit, verdit et ne répond rien.
La seconde sans se démonter :
– La pupille, Monsieur le professeur !
– Très bien, Mademoiselle, vous aurez un 20… quant à votre amie, elle aura souvent des désillusions ! »
Enfin, un troisième thème dominant est le rôle joué et soigneusement entretenu par l’étudiant : provoquer le bourgeois et défier la police. Le bourgeois fait ainsi l’objet d’une généralisation caricaturale et de fréquentes railleries de la part de la jeunesse des écoles. Surnommé « pékin », il est même parfois dépeint de manière virulente [74]. Autre cible de prédilection, le « flic » est régulièrement ridiculisé. « Ennemi » héréditaire de l’étudiant, il est une figure du folklore et, à ce titre, il apparaît sur le dessin d’entête de L’A. Les anecdotes sur la police ne manquent pas. En 1938, par exemple, lorsqu’elle perçoit son premier véhicule automobile, l’occasion est trop belle d’ironiser sur « le vernissage du premier car de police secours de la ville de Rennes [75] ».
Mais la liste des victimes tournées en dérision dans les articles du journal estudiantin est longue. Même les étudiants sont régulièrement épinglés, notamment dans la fameuse rubrique des « on dit ». Et si la volonté affichée est de proscrire tout portrait blessant, les dérapages existent et ne sont pas toujours contrôlés. Des plaintes arrivent parfois au journal. Mais les frontières demeurent floues entre l’ironie, la causticité et la méchanceté, d’autant que la perception de « l’humour » est différente pour l’auteur et pour la victime.
Alors bien sûr, la place manque pour rendre compte de la diversité des thèmes abordés et des styles utilisés. L’imagination est reine. Les contes côtoient poèmes, feuilletons, chroniques ou entrefilets. L’ironie s’allie à la satire, le ton joyeux au grinçant… Tous les sujets sont susceptibles d’être traités, jusqu’aux plus inattendus. Ici, c’est une statue qui a attiré l’attention de l’auteur [76] :
« Les quelques Rennais intelligents qui osent encore lever le nez ont pu s’apercevoir d’un fait très curieux.
La statue symbolique qui, au Palais du Commerce, vise à représenter la ville de Saint-Malo, tient dans ses bras un morutier non moins symbolique. L’on peut remarquer que dans les voiles du bateau le vent souffle d’un certain côté et du côté contraire dans les cotillons de la femme.
Nous avons été consulter l’architecte qui nous a déclaré qu’un pareil état de choses était simplement destiné à assurer la stabilité de la statue par le jeu des effets contraires.
C’est possible, mais c’est grotesque. »
A la fin des années trente, un étudiant brillant signe ses articles Le Pohu. L’écrivain en herbe n’est autre que Pierre Jakez Hélias [77]. Une quarantaine d’années plus tard, il se souvient [78] :
« Avec mon ami, presque frère en ce temps là, Louis Le Solleuz, et quelques autres, nous étions en charge de l’A, organe des étudiants, premier journal du monde par ordre alphabétique. Nous y avons essayé nos plumes dans tous les genres, les plus prisés étant la satire, le pastiche et la parodie. Nous sommes allés jusqu’à écrire les trois quarts d’un feuilleton qui devait s’appeler l’Assassinat de la portière. Si nous ne l’avons pas mené à bien, ce fut parce que nous n’avons jamais trouvé l’assassin – ce sont des choses qui arrivent, même à la justice – ni réussi à savoir si la portière était celle d’une auto ou la concierge d’un immeuble de rapport.
Tout cela n’était pas sérieux aux yeux des forts en thèmes et des bêtes à concours. Nos professeurs nous morigénaient paternellement pour ces divagations extra-universitaires sans prendre en compte que, pour les “ littéraires ” que nous étions, ces exercices étaient de profitables travaux pratiques. »
P. J. Hélias raconte aussi avoir « fait la connaissance du journaliste qui assurait la locale de l’Ouest-Eclair, un nommé Jehan Tholomé [79] ». Ce dernier rédige d’ailleurs un article repris dans L’A en mars 1937, dans lequel il évoque sans doute implicitement Hélias parmi les autres rédacteurs du journal des étudiants [80] :
« Ainsi je me trouvais en compagnie de l’élite journalistique du moment, de cette phalange qui, deux fois par mois, met le feu à la ville… par ses potins et ses on-dit habilement présentés, par ses grands reportages toujours vécus, ses critiques littéraires et artistiques toujours marquées au bon coin de la satire correcte et amusante… »
Et lorsque J. Tholomé écrit ces lignes, il n’a probablement pas oublié que, quelques années auparavant, lui et ses articles ont été parodiés. En effet, en décembre 1929, la rédaction de L’A annonce « qu’au prix de sacrifices importants et courageux », elle s’est assurée « la collaboration régulière du talentueux reporter, à réputation régionale et mondiale, GEANT PTOLEMEE [81] ».
Tous les styles de la presse écrite sont parodiés ; le fait divers par exemple :
« ECRASEE PAR UN TRAMWAY
Rennes, le 28.- Hier, à 17 heures, rue le Bastard, une femme de 67 ans est passée sous un tramway. Celui-ci a pu continuer normalement sa route.
DERNIERE HEURE
Nous apprenons que la vieille femme écrasée par un tramway, rue le Bastard, n’avait que 66 ans.
On croit qu’elle est morte. [82] »
L’actualité demeure une source intarissable de plaisanterie. Les exemples abondent, qu’il s’agisse de détourner de façon comique des nouvelles rennaises, nationales ou internationales. Ainsi, une information, reprise dans L’A en décembre 1933, parle d’un « être fantastique » dans un lac d’Ecosse [83]. En janvier suivant, des précisions sont apportées « A propos du Monstre du Loch Ness… [84] » :
« Nous ne voulons pas à l’A commenter cette nouvelle invraisemblable qui nous parvient d’Ecosse. Il ne faut pas que notre bonne foi soit mise en défaut. Et malgré les sacrifices que cela comporte, nous avons envoyé en Ecosse une délégation de contrôle qui comprend cinq P.C.N. parmi les plus forts en zoologie, un reporter et Touzinaud qui prendra des croquis.
Méfions nous de ces gensses du Nord. »
En 1939-1940, l’actualité est évidemment largement marquée par la guerre. Nombre d’articles de l’organe de l’A.G.E.R. en décrivent les conséquences, sérieusement ou de manière comique. L’humour, en effet, malgré la gravité du contexte, n’a pas disparu. Les mobilisés, puis les réfugiés et même l’avenir après la guerre sont évoqués ; la censure également qui touche la presse dès le 1er septembre [85]. « L’A rit d’elle[86] » dans ses articles et se pare de larges espaces blancs. Chez ses confrères, des parties entières d’articles disparaissent sous le blanc de la censure. Dans le journal des étudiants aussi… mais peut-être n’est-ce que le résultat d’une nouvelle parodie.
Au terme de cette première partie, nous pouvons déjà retenir plusieurs traits caractéristiques du mouvement associatif des étudiants rennais des années vingt et trente. Certaines racines de l’Association Générale des Etudiantes et Etudiants Rennais plongent dans les dernières années du XIXe siècle. A cette époque, l’Université, telle que les étudiants de l’entre-deux-guerres la connaissent, est en cours d’édification. A Rennes, la majeur partie des établissements d’enseignement supérieur est en place avant le premier conflit mondial.
C’est aussi avant la guerre, vers 1910, que l’unité associative des étudiants se reforme. La création d’un journal d’étudiants et la Maison que la municipalité donne aux étudiants matérialisent leur regroupement. La déclaration de constitution de l’A.G.E.R., en 1919, est la suite logique du processus. La naissance et le succès d’un nouveau journal et la Maison des Etudiants restent des éléments essentiels de la vie estudiantine de 1919 à 1940.
Durant cette période, les effectifs étudiants ne cessent de croître. Pour la seule Université de Rennes, les chiffres vont de 900 étudiants environ en 1919, à plus de 3 000 en 1940. Il ne faut pas oublier les autres établissements d’enseignement supérieur, mais nous n’en avons pas ici les effectifs. L’Association Générale grandit également, plusieurs indices le confirment, même si un total précis sur chaque année ne peut pas être présenté. Il paraît possible cependant qu’entre un quart et un tiers des étudiants rennais adhèrent à l’A.
L’organisation de l’A.G.E.R. permet de faire face à la gestion du quotidien. Le gonflement des effectifs, les questions financières ou administratives, les conflits internes inhérents à toute vie de groupe, l’attitude à adopter face aux attaques et aux critiques trouvent une solution. Lorsque cela se révèle nécessaire, l’Association fait même peau neuve et adapte ses textes statutaires et réglementaires.
Il existe une autre gestion du quotidien. Visible à travers des actions concrètes, elle vise à améliorer la vie des membres de l’Association. Dans ce domaine, l’A.G. œuvre au niveau de sa ville, bien sûr, mais également au niveau du pays, au sein de l’Union Nationale des Etudiants de France. Nous allons le voir.
[1] F. Q., « On nous loge », Le Cri des Ecoles N° 4, 15 février 1911, p. 1
[2] QUESSETTE F., « Entre Etudiants », Le Cri des Ecoles N° 2, 11 janvier 1911, pp. 1 et 2
[3] AMR – M.269 : Rapport du Maire
[4] [sans auteur] « Foyer des Etudiants. Election d’un Comité », Le Cri des Ecoles N° 8, 3 mai 1911, p. 1
[5] [sans auteur] « Foyer des Etudiants. Premiers travaux du Comité », Le Cri des Ecoles N° 9, 17 mai 1911, p. 3
[6] AMR – M 269
[7] [sans auteur] « La Maison des Etudiants », L’A n° 2 J. 15 décembre 1921, p. 4
[8] Requiem, « Pour la Maison des Etudiants », Le Cri des Ecoles N° 26, 18 février 1913, p. 1
[9] [sans auteur] « Avis », L’A n° 7 L. 22 mars 1920, p. 5
[10] [sans auteur] « Par ci, par “l’A” », L’A n° 1 J. 25 novembre 1920, p. 6
[11] [sans auteur] « La réorganisation de notre Maison », L’A n° 4 J. 19 janvier 1922, p. 1
[12] L’A, « Inauguration de la Maison des Etudiants », L’A n° 6 J. 16 février 1922, p. 4
[13] [sans auteur] « L’inauguration de la Maison des Etudiants », L’A n° 6 J. 22 février 1923 p. 3 et n° 7 J. 8 mars 1923, p. 4
[14] [sans auteur] « L’Assemblée générale de l’A.G.E.R. », L’A n° 1 J. 13 décembre 1923, p. 8
[15] ADIV – 1 J 40 : Registre, séance du 21 décembre 1923
[16] P’tit Gas, « La bibliothèque – A Colas-Pelletier : Merci ! », L’A n° 4 J. 7 février 1924, p.4 et [sans auteur] « L’inauguration de la bibliothèque des Etudiants », p. 8
[17] [sans auteur] « Bibliothèque », L’A n° 7 J. 20 mars 1924, p. 8
[18] AMR – M 269 : Maison des Etudiants, rue St Yves
Acquisition et affectation de l’immeuble rue Saint-Yves, 14. Rapport de M. le Maire (3 février 1923)
Acte de vente
[19] AMR – R 82 : Maison des Etudiants et Etudiantes
[20] ADIV – 1 J 40 : Registre, assemblée générale du 18 novembre 1926
[21] L’A, « Formez le Monôme ! De la Ruche à Lait à la rue St-Yves », L’A n° 1 Merc. 1er décembre 1926, p. 1 et Setcetih Crasel, « Voyage autour de la grande salle », p. 4
[22] [sans auteur] « A l’“A” », L’A n° 12 J. 13 juin 1929, p. 7
[23] [sans auteur] « Bruits et Rumeurs de l’A.G. », L’A n° 4 J. 6 février 1930, p. 7
[24] ADIV – 2 Per 171 : Annuaire 1932, pp. 22 et suivantes
[25] ADIV – M 629 : Lettre du Recteur de l’Académie de Rennes à Monsieur le Maire de Rennes (29 juin 1936)
Extrait du registre des délibérations du conseil municipal. Séance publique du vendredi 31 juillet 1936
Acte de vente
[26] [sans auteur] « Réception du Bureau de l’Union Nationale – Programme » et COLAS-PELLETIER, « Appel aux Etudiants », L’A n° 4 J. 29 janvier 1925, p. 5
P. B., « L’U.N. parmi nous », L’A n° 5 J. 12 février 1925, p. 5
[27] C’est ainsi que le qualifie M. Le Goux dans son témoignage
[28] [sans auteur] « La réception de M. le Recteur d’Académie à “l’A” » L’A n° 5 J. 12 février 1931, p. 11
[29] [sans auteur] « Réceptions à l’A », L’A n° 2 J. 22 décembre 1938, p. 2
[30] SAINCLIVIER J., L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, pp. 219 et suivantes
[31] L’A, « D. H. », L’A n° 9 J. 23 mai 1940, p. 2
[32] Témoignage de M. Piron
[33] L’Astronome, « Les astres au firmament rennais : VI – M. Raoul FELIX, Président de l’A.G.E. », L’A n° 6 L. 8 mars 1920, p. 2
[34] [sans auteur] « Par ci, par l’A – Un livre », L’A n° 11 J. 5 mai 1921, p. 3 et [sans auteur] « La Maison des Etudiants », L’A n° 2 J. 15 décembre 1921, p. 4
[35] L’A, « Prolégomènes », L’A n° 1 L. 22 décembre 1919, p. 1
[36] L’A, « Par ci, par “L’A” », L’A n° 1 L. 22 décembre 1919, p. 1
[37] [sans auteur] « Administration de notre journal », L’A n° 1 J. 25 novembre 1920, p. 1
[38] L’A, « Par ci, par “L’A” », L’A n° 1 L. 22 décembre 1919, p. 1
[39] [sans auteur] « Administration de notre journal », L’A n° 1 J. 25 novembre 1920, p. 1
[40] L’A, « A nos lecteurs », L’A n° 2 J. 15 décembre 1921, p. 2
[41] [sans auteur] « Administration de notre journal », L’A n° 1 J. 25 novembre 1920, p. 1
[42] Arsène, rouspéteur, « Le billet d’Arsène le rouspéteur », L’A n° 8 L. 19 avril 1920, p. 2
[43] Le Comité de Rédaction et d’Administration de l’A, « Mise au point », L’A n° 12 J. 1er juillet 1920, p. 4
[44] N.D.L.R., « Faire-part », L’A n° 12 J. 13 juillet 1922, p. 2
[45] ADIV – 1 J 40 : Registre des séances de délibération 1922-1934
[46] [sans auteur] « Procès-verbaux des séances du comité extaordinaire du 3 novembre 1923 à Grenoble », L’A n° 2 J. 10 janvier 1924, p. 2
[47] ADIV – 1 J 40 : Registre, séances du 4 juin et du 21 novembre 1930
[48] G.F.T., « Au revoir ! », L’A n° 12 J. 26 juin 1930, p. 1
[49] [sans auteur] « Laïus officiel – De Mars à Décembre », L’A n° 2 J. 18 décembre [1930], p. 1
[50] MUSSAT André, « Le XXe Congrès de l’Union Nationale s’est tenu à Caen du 7 au 13 avril », L’A n° 9 J. 30 avril 1931, p. 6
[51] MUSSAT A.-P., « Le congrès de l’Union Nationale des Etudiants – Pau 18 avril-23 avril », L’A n° 10 J. 4 mai 1933, p. 4
[52] ADIV – 1 J 40 : Registre, séance du 28 juin 1932
[53] Ibid., séance du 22 novembre 1933
[54] [sans auteur] « Comment nous sommes jugés », L’A n° 7 S. 10 mars 1934, p. 2
[55] [sans auteur] « En plein marasme », L’A n°2 J. 28 mars 1935, p. 2
[56] [sans auteur] « Qu’en penser ? », L’A n° 1 J. 28 novembre 1935, p. 1
[57] [sans auteur] « Notre A Vit », L’A n° 1 J. 3 décembre 1936, p. 2
[58] [sans auteur] « Ce que ses confrères pensent de L’A », L’A n° 8 J. 11 mars 1937, p. 7
[59] MUZELLEC L., « Etudiantes et Etudiants », L’A n° 6 J. 11 avril 1940, p. 3
[60] C. L., « On dit... On dit... », L’A n° 7 J. 25 avril 1940, p. 3
[61] Un groupe d’étudiants, « On dit... (suite) », L’A n° 8 J. 9 mai 1940, p. 3
[62] L’Astronome, « Les astres au firmament rennais : VI – Monsieur Raoul FELIX, président de l’A.G.E. », L’A n° 6 L. 8 mars 1920, p. 2
[63] L’A, « Prolégomènes », L’A n° 1 L. 22 décembre 1919, p. 1
[64] [sans auteur] « Quand fut créé “L’A” », L’A n° 10 J. 29 avril 1937, p. 1
[65] P. L., « Mœurs estudiantines au Moyen-Age », L’A n° 7 Merc. 24 mars 1926, p. 4
[66] [sans auteur] « Formidable succès du Restaurant des Etudiants », L’A n° 2 J. 9 décembre 1920, p. 6
[67] [sans auteur] « Les dictz et faictz héroïques du noble Pantagruel », L’A n° 7 J. 12 mars 1931, p. 1
[68] EGO Henri, de Lille-Etudiant, « Ballade des Grandgousiers », L’A n° 10 J. 15 mai 1931, p. 7
[69] Mo, « Comment fut fait Gunarpe coqu et ce qu’il en advinct », L’A n° 6 J. 22 février 1934, p. 6
[70] [sans auteur] « Comment Panurge print le mal italian », L’A n° 3 J. 7 janvier 1937, p. 9
[71] Jobic, « La cuite – Son utilité purgative, scientifique, artistique et littéraire – Son rôle social et historique », L’A n° 8 J. 17 mars 1921, p. 3
[72] Jed, « L’éloge du pet », L’A n° 3 J. 7 janvier 1937, p. 9
[73] Le stagiaire sans service, « Histoire “carabinée” », L’A n° 3 J. 9 janvier 1936, p. 6
[74] Leusol, « Qu’est-ce qu’un bourgeois ? », L’A n° 1 J. 3 décembre 1936, p. 2
[75] J. L., « Le vernissage du premier car de police secours de la ville de Rennes », L’A n° 8 J. 5 mai 1938, p. 4
[76] [sans auteur] « Par l’A… – Tempête », L’A n° 6 J. 6 mars 1930, p. 1
[77] Témoignage de M. Le Goux
[78] HELIAS Pierre Jakez, Le quêteur de mémoire. Quarante ans de recherches sur les mythes et la civilisation bretonne, Paris, Plon, coll. Terre Humaine, 1990, 422 p., pp. 119 et 120
[79] HELIAS Pierre Jakez, Le quêteur de mémoire, p. 121
[80] [sans auteur] « Ce que ses confrères pensent de l’A », L’A n° 8 J. 11 mars 1937, p. 7
[81] L’enquêteur : Géant PTOLEMEE, « Monôme 1929. En route pour… s’y taire. Impressions recueillies… émises en boîte par Géant PTOLEMEE », L’A n° 1 J. 5 décembre 1929, p. 1
[82] [sans auteur] « Ecrasée par un tramway », L’A n° 10 J. 29 avril 1937, p. 1
[83] Charcel, « Entre vous et moi », L’A n° 2 J. 21 décembre 1933, p. 8
[84] [sans auteur] « A propos du Monstre du Loch Ness… », L’A n° 3 J. 11 janvier 1934, p. 2
[85] SAINCLIVIER J., L’Ille-et-Vilaine 1918-1958, pp. 219 et suivantes
[86] [sans auteur] « L’A rit d’elle. Notre enquête sur la censure », L’A n° 2 J. 1er février 1940, p. 1